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Adi Boutrous / One more thing / L'apprentissage de la vie en société

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Adi Boutrous :

L’apprentissage de la vie en société

 

Adi boutrous 1Ils sont quatre sur le plateau. Face à face. Ils s’observent, s’épient, se dévisagent. En silence. Comme des étrangers qui viennent fortuitement de se rencontrer. Qui sont-ils, d’où viennent-ils, que font-ils donc là, devant nous ? Petit à petit, leurs corps s’animent. Lentement, posément, avec application. Leur gestuelle, sculpturale, est méthodique, comme tracée par le destin. Bien qu’auréolée d’un soupçon de malaise ou d’angoisse, l’atmosphère se détend, traversée de soubresauts ludiques. Nos larrons semblent chercher à se connaître, à arrondir les angles. A vivre ensemble tout en gardant un soupçon de défiance. Et pourtant, ils donnent l’image de chatons insouciants qui découvrent la vie, les mystères et les beautés de tout ce qui les entoure. Chacun, pourtant, a déjà sa personnalité qu’il met en avant, subrepticement, insidieusement, souvent par le truchement du jeu, sa gestuelle traduisant ses pensées, ses états d’âme. Le parcours qu’ils tracent de concert, parfaitement géométrique, semble préétabli, comme s’il obéissait à des règles bien définies. Les corps s’enchevêtrent, se détachent, se séparent pour mieux se ré-emmêler par la suite. Les échanges sont devenus prégnants. Peu à peu chacun s’affirme. Des liens se nouent, des amitiés naissent et se tissent, des connivences s’établissent, mettant à nu le caractère, la personnalité et la sensibilité de chacun des personnages en lice. Parallèlement cependant, des dissidences se créent. Des formes sculpturales en émergent. Tout s’édifie dans la lenteur, la pondération, le non-dit, les visages restant toutefois impassibles, comme pour affirmer une parfaite maîtrise de soi. La danse est sobre, légère, apaisante, toute en circonvolutions, bien que, par instants, emphatique et tarabiscotée : il en émane notamment un fort beau solo d’une virtuosité saisissante et parfaitement contrôlé. Un accord finira par être trouvé dans le calme, la tolérance et la sérénité. La violence qui tentait de s’immiscer subrepticement est restée sous-jacente, le besoin de partage et d’entraide prenant le dessus. Tous quatre finissent par s’étreindre, dormir ensemble blottis comme des chiots malicieux et complices après s’être livrés à des jeux certes captivants mais pas tout à fait innocents. Une sensation d’apaisement et d’harmonie envahit alors le spectateur : les "marmots" sont désormais devenus des hommes, dans le respect et à l’écoute les uns des autres, suivant ce précepte de l’Ancien Testament "Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés", commandement clé du christianisme.

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Ph. Ariel Tagar

Ce n’est pas la première fois qu’Adi Boutrous, chorégraphe trentenaire d’origine israélienne qui a passé l’essentiel de sa vie dans un environnement juif, s’attache à évoquer, par l’art de Terpsichore, les relations entre les peuples. D’une sensibilité hors du commun, cet artiste profondément humain que l’on a déjà pu croiser dans ce même théâtre*, a vu naître sa carrière artistique à son adolescence par le truchement de la gymnastique, des arts du cirque et de la break dance. Il ne débutera toutefois la danse classique et la danse contemporaine à la Matte Asher School for Performing Arts à Kibbutz Gaaton puis au Maslool Professionnal Dance Program de Tel Aviv-Jaffa qu’à 22 ans. Sa première chorégraphie, What really makes me mad (Ce qui me rend vraiment dingue), relatait sa relation de couple arabo-juif avec sa compagne, Stav Struz. Sa seconde pièce, Homeland lesson (La leçon du pays natal) (2013) évoque son envol du nid familial. Separately trapped (Piégé à part) dénonce la montée de l’extrémisme. It’s Always Here (C’est toujours là), programmée en septembre 2018 à la Biennale de la Danse de Lyon, évoque avec beaucoup de force et une grande sensibilité les relations politico-culturelles entre ethnies minoritaires et majoritaires. Composé de deux duos, l’un masculin, l’autre féminin, Submission (Soumission) aborde les rapports conflictuels entre les gens, de la soumission à la réalité, en lien avec les expériences vécues au quotidien. One more thing (Encore une chose) est sa sixième pièce pour la danse. Bien qu’Adi Boutrous soit un chorégraphe encore peu connu en France, c’est désormais un artiste avec lequel il faudra réellement compter.

J.M. Gourreau

One more thing / Adi Boutrous, Théâtre des Abbesses, du 9 au 12 octobre 2020.

*Sa pièce précédente, Submission, a été présentée au Théâtre des Abbesses en janvier 2019  (cf. article sur ce spectacle dans ces mêmes colonnes au 27.01.19).  

 

Adi Boutrous / One more thing / Théâtre des Abbesses / Octobre 2020

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