Adi Boutrous / One more thing / L'écoute, l'attente et la fraternité
- Par Gourreau Jean Marie
- Le 25/02/2022
- Dans Critiques Spectacles
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L’écoute, l’attente et la fraternité…
Je ne résiste pas au plaisir de vous reparler de One more thing, une pièce d’Adi Boutrous que j’avais eu l’occasion d’apprécier dans ce même théâtre en octobre 2020 et dont vous pourrez découvrir mes premières impressions dans ces colonnes, à cette date. Voilà une pièce d’une très grande humanité qui met en avant autant la fraternité que la vulnérabilité masculines, avec une éloquence encore jamais décrite. C’est une grande force tranquille qui anime ces quatre hommes perdus dans l’immensité de l’espace. Qui sont-ils ? Des frères, des amis, des ennemis, des voisins, des collègues ? D’où viennent-ils ? Quel lien les unit ? Qu’attendent-ils les uns des autres ? Leur cohésion semble être leur seul atout, leur seule force, leur unique réconfort. Leurs évolutions, souvent au ralenti, expriment une attente, une expectative, parfois teintée d’un tantinet de tristesse, de lassitude. Les relations, déjà établies évolueront peu tout au long du spectacle, si ce n’est dans l’affermissement de la découverte de l’autre. De temps à autre, l’un des protagonistes de la pièce s’isole, sort de son alanguissement ou de son indolence, quitte le groupe pour lâcher prise, se laisser aller, changer d’atmosphère, se libérer du joug qui semble l’étreindre sous le regard intéressé, voire envieux des trois autres. Par instants également, ce sont deux individus qui se détachent: ils s’étreignent, s’affrontent, s’enlacent, s’emmêlent, roulent à terre dans des contorsions convulsives réellement étonnantes, tout en construisant de véritables tableaux vivants. Certains d’entre eux reviennent d’ailleurs comme un leitmotiv. La chorégraphie, sophistiquée, parfois tarabiscotée, est mâtinée de nombreux portés, de corps à corps alambiqués et de sauts. Elle peut être aussi calme et sereine, pleine de douceur et d’empathie. Parfois cependant, on y relève quelques sentiments de libération, des tiraillements pour la conquête de cet espace de vie, voire des élans de jalousie et de domination peut-être. Les prises de risque sont importantes. La souffrance qui, par moments, apparaît sur les visages, n’est pas bien loin, elle non plus, révélant la vulnérabilité des interprètes. Mais elle aboutit à l’élaboration d’une véritable entraide, un partage, une tolérance qui réchauffent le cœur et mettent en évidence les facultés de l’Homme à aborder l’inconnu.
Photos Ariel Tagar
La plus grande qualité d’Adi Boutrous, en effet, est sa profonde humanité, sa sensibilité à fleur de peau ; et, si ses chorégraphies, généralement soutenues par des musiques appropriées intemporelles, modernes ou tribales, font appel autant à la danse contemporaine qu’au hip-hop et à la break danse, voire à l’acrobatie, la gestuelle qui en ressort, élégante et puissante, est toujours harmonieuse, très signifiante et chargée d’une profonde émotion. Ce chorégraphe d’origine israélo-arabe ne parle en effet jamais pour ne rien dire, comme on a pu le découvrir lors de la Biennale de la danse de 2018 dans son duo avec Avshalom Latucha, It’s Always Here, une superbe pièce à la recherche des racines de l’identité humaine. Ce sont d’ailleurs les histoires personnelles, tant du chorégraphe que de ses interprètes, qui ont nourri cette magnifique pièce aussi percutante que d’une grande délicatesse et qui fait à nouveau honneur à son auteur.
J.M. Gourreau
One more thing / Adi Boutrous, Théâtre des Abbesses, du 22 au 28 février 2022.
Adi Boutrous / One more thing / Théâtre des Abbesses : Février 2022
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