John Neumeier / Le Bourgeois gentilhomme / Ode à la jeunesse et à l’amitié entre les peuples
- Par Gourreau Jean Marie
- Le 22/01/2022
- Dans Critiques Spectacles
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John Neumeier et le Bundesjugendballett :
Ode à la jeunesse et à l’amitié entre les peuples
Ils sont jeunes, débordent de joie de vivre et ont un enthousiasme communicatif… Et, surtout, ils ont la chance et l’immense honneur d’avoir été sélectionnés par l’un des plus grands chorégraphes de notre temps, John Neumeier, afin de pouvoir porter sa dernière création, Der Burger als Edelmann (Le Bourgeois gentilhomme) à travers toute l’Europe. Ils sont 6 sur scène devant un parterre de 80 musiciens, ceux du Bundesjugendorchester allemand et de l’Orchestre Français des jeunes, placés sous la direction du chef britannique Alexander Shelley. A l’origine, ils devaient être 8, mais la Covid en a décidé autrement. Ce ballet est le 170è créé par le célèbre chorégraphe américain qui, à 82 ans, assume toujours la direction du Ballet de Hambourg ! Et, par la même occasion, celle de ce Bundesjugendballett qu’il a pris sous son aile… Créé en 2011, cet ensemble se voulait le chaînon manquant entre les jeunes danseurs en fin d’études, peaufinant leur apprentissage, et ceux, professionnels, venant d’être nouvellement engagés dans une compagnie. « Ces deux années au sein de ce "jeune ballet" leur permettent de devenir des artistes accomplis et d’acquérir l’expérience de la scène », nous explique Neumeier. Et celui-ci de poursuivre : « S’ils travaillent avec de jeunes chorégraphes ou avec moi-même, ils peuvent aussi s’essayer eux-mêmes à l’écriture chorégraphique ». Ce qu’ils se sont d’ailleurs empressés de faire avec leur création sur le Concerto pour piano, violon et violoncelle en la mineur de Maurice Ravel, adapté pour orchestre par Yan Pascal Tortelier, création qui clôturait la soirée. L’idée sous-jacente du chorégraphe était également que ces jeunes puissent aller porter l’art de Terpsichore dans tous les lieux, quels qu’ils soient, et pas seulement dans les théâtres, mais aussi dans les écoles, les maisons de retraite, voire les prisons, de toucher tous les milieux, toutes les classes sociales, toutes les catégories de gens car, pour le chorégraphe, la danse est le moyen de communication le plus direct.
Photos Silvano Ballone & Stephan Rabold
C’est dans le cadre de cette soirée franco-allemande commémorant la signature du traité fondamental de Maastricht que Neumeier a créé cette œuvre sur le Bourgeois gentilhomme de Molière et la musique joyeuse et pleine d’humour de Richard Strauss. Dans cette pièce, Molière se moque d'un riche bourgeois qui veut imiter le comportement et le genre de vie des nobles. Ce spectacle fut très apprécié par Louis XIV qui l'imposa à ses courtisans, plutôt hostiles. Il est l'exemple parfait de la comédie-ballet et reste l'un des seuls chefs-d'œuvre de ce noble genre qui ait mobilisé les meilleurs comédiens et musiciens de son temps. Une anecdote au passage : c’est au second acte de cette comédie-ballet que Monsieur Jourdain s’exclame, au cours d’un échange avec son maître de philosophie : « Par ma foi, il y a plus de quarante ans que je dis de la prose sans que j'en susse rien, et je vous suis le plus obligé du monde de m'avoir appris cela… » Si Neumeier n’en a qu’incomplètement respecté l’intrigue, il n’en a pas moins élaboré une suite de duos, trios, quintettes et sextuors pleins d’allant et d’entrain, truffés de difficultés techniques qui reflètent bien les sentiments poétiques et musicaux qui animaient à l’origine les protagonistes de l’œuvre, lesquels traduisent parfaitement l’atmosphère de l’époque. On y retrouve bien sûr avec beaucoup de bonheur la griffe du chorégraphe, sa rigueur, sa musicalité, son art de la construction et ses enchaînements chorégraphiques.
Le Concerto pour piano, violon et violoncelle en la mineur de Maurice Ravel créé et interprété par les danseurs du Bundesjugendballett est une œuvre certes moins intéressante, d’une facture moins sophistiquée mais pleine de joie de vivre, d’entrain et d’allant, au travers de laquelle on peut tout de même retrouver la griffe de Neumeier. Mais l’œuvre manque un peu d’homogénéité. A noter que ces deux ballets étaient entrecoupés par deux pièces orchestrales, La Valse de Maurice Ravel et Les joyeuses facéties de Till l’espiègle de Richard Strauss, toutes deux interprétées avec beaucoup de brio par le Bundesjugendorchester allemand et l’Orchestre Français des jeunes.
J.M. Gourreau
Le bourgeois gentilhomme / J. Neumeier, La Scène musicale, Boulogne, 20 janvier 2022, dans le cadre de Danse Musique Europe 2022.
John Neumeier / Le Bourgeois gentilhomme / Boulogne-Billancourt / Janvier 2022
Commentaires
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- 1. schoonejans Le 23/01/2022
Très bel article, qui donne envie de voir ce spectacle... en tournée dorénavant.
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