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Marie Chouinard / Le jardin des délices / Une lecture très personnelle du Jardin des délices de Bosch

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Photos: J.M. Gourreau

 

 

Marie Chouinard :

Une lecture très personnelle du Jardin des délices

de Bosch

 

Image004Hiéronymus Bosch est mort il ya tout juste 500 ans, très exactement le 9 août 1516. Pour commémorer cet anniversaire, la fondation éponyme demanda à Marie Chouinard de monter une pièce chorégraphique autour de son œuvre la plus célèbre, Le jardin des délices, conservée au Musée du Prado à Madrid. Ce peintre énigmatique fascinait Marie Chouinard depuis sa prime jeunesse, et elle plongea tête baissée dans ce triptyque pour édifier une pièce en trois tableaux, en insistant davantage sur le côté satanique et grotesque que sur le côté fantastique et mystique de l'œuvre. Créé en août dernier pour le Theaterfestival Boulevard à Bois-le-Duc (Pays-Bas), la ville natale du peintre, ce spectacle est donné pour la première fois en France en ouverture de la 19ème biennale de danse du Val-de-Marne.

Pour Bosch, l’homme est mauvais, il vit dans le vice et le plaisir facile, qu’il soit ecclésiastique ou paysan. La majorité des scènes qu’il représente dans son œuvre dénonce l’existence de ses contemporains auxquels il n’offre qu’une perspective: l’enfer. Pour Marie Chouinard toutefois,  le volet central de ce triptyque ne représente pas l'enfer mais le monde déjanté dans lequel nous vivons.

La pièce s'ouvre au chant des oiseaux sur le Jardin d'Eden où,sans vouloir paraphraser Baudelaire, tout n'est qu'ordre et beauté, luxe, calme et volupté. Dix danseurs nus poudrés de blanc,  symboleP1170842P1170832 de l'innocence voire de l'immatérialité (panneau central du triptyque) évoluent dans des positions issues de quelques attitudes de personnages du tableau. La chorégraphe est en effet partie de ces positions en se demandant dans quel sens elles pourraient évoluer: poses décomposées puis transformées en mouvement. Les danseurs gagnent bientôt une bulle de plastique transparente (symbole de la terre ?) renvoyant à celle du panneau de Bosch: celle-ci leur servira de refuge, de carapace et de lieu de jouissance. Orgie de plaisirs charnels sous sa voûte. Vanités, délices éphémères. Une gestuelle suggestive soutenue par la musique de Louis Dufort, magistralement interprétée par d'excellents danseurs.

Le second tableau ne symbolise donc pas l'enfer mais s'avère être une satire des péchés et de la folie des hommes. Des personnages déjantés, sorcières et alchimistes, dans un bruit et une fureur indescriptibles, comme atteints d'une folie communicative, évoluent dans un univers chaotique délirant au sein duquel se côtoient seaux cabossés, bidons et poubelles éventrés, squelettes torturés... Une pléiade d'objets hétéroclites tels ces bottes d'un jaune citron criard utilisées de manière incongrue, une échelle dont on n'atteindra jamais le sommet, des prothèses et objets du même acabit totalement farfelus détournés de leur utilisation normale. A l'inverse de chez Bosch, peu de couteaux et autres instruments contondants pour torturer, taillader, charcuter, découper... N'oublions pas qu'à l'époque, la fin des temps était partout annoncée...

Le tableau final est en revanche empreint d'une grande sérénité, nous transportant au paradis pour assister à l'union d'Adam et d'Eve dans le bonheur et la paix sous l'œil approbateur et omniprésent de Dieu, en gros plan dans les médaillons latéraux. Les dernières notes de la partition s'égrènent sur les élus qui regagnent cérémonieusement et dans un calme olympien les tréfonds du tableau tandis que le triptyque se referme lentement sur le public subjugué.

J.M. Gourreau

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Le jardin des délices / Marie Chouinard, Théâtre Jean Vilar. Vitry-sur-Seine, 1er et 2 mars 2017, dans le cadre de la 19ème Biennale de danse du Val-de-Marne.

 

Marie Chouinard / Le jardin des délices / Vitry sur Seine / Mars 2017

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