Tina Besnard - Gyohei Zaitsu / Recordare - Cosmogonie / Inquisition et torture
- Par Gourreau Jean Marie
- Le 21/05/2015
- Dans Critiques Spectacles
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Ricordare / Tina Besnard - Ph. J.M. Gourreau
Tina Besnard - Gyohei Zaitsu :
Inquisition et torture
Il est réellement dommage que certaines manifestations, telle "Palimpseste#4", soient peu connues du public et restent confidentielles du fait d'un manque de moyens, tant sur les plans technique que financier. Créée il y a 4 ans à l'initiative d'un musicien-acousmaticien, Michel Titin-Schnaider, passionné par le butô, cette série d'évènements consacrés à cet art et aux danses apparentées se déroule dans des lieux parisiens peu connus du grand public comme Le Point éphémère, le Centre Dunois et, plus récemment, le Théâtre de verre. Fort heureusement pour les artistes qui y sont programmés, le bouche à oreille fait son effet et ces lieux font généralement salle comble.
Pour cette 4ème édition de "Palimpseste", ce compositeur (qui est aussi à l'origine d'une autre manifestation, "Butô dans mon jardin, laquelle, comme son nom l'indique, se déroule dans sa propriété de Brunoy en Essonne*), avait invité deux artistes, Tina Besnard et Gyohei Zaitsu. Si ce dernier est désormais bien connu des "aficionados" de butô, Tina Besnard, l'est moins, bien qu'adepte de cet art depuis plus de trente ans. Elle a pu ainsi travailler avec Masaki Iwana, Sumako Koseki, Yuri Nagaoka entre autres, et a adopté le butô comme philosophie, façon de vivre et de penser, en plein accord avec la nature. Recordare qu'elle a créé lors de cette représentation a pour origine une partition éponyme et des projections de Michel Titin-Schnaider qui relatent en quelque sorte sa vision de la religion, une vision minimaliste du monothéisme au travers des siècles, une vision de l'intérieur et de l'extérieur, du passé et du futur. De très belles images de différentes cathédrales prises tant en France qu'en Espagne ou en Italie accompagnent une danse spectaculaire de par sa symbolique et son expressivité mais aussi très intériorisée, en parfaite résonance avec la partition ainsi que les projections architecturales d'extérieurs, de nefs ou de cryptes, lieux de ferveur empreints d'insondables mystères : c'est au sein de celles-ci que Tina Besnard effectuera ses métamorphoses provocatrices les plus spectaculaires, incarnant tour à tour vierge folle, hystérique, illuminée et petites femmes inspirées par Klimt. Le sacré et les richesses côtoient la misère, l'inquisition et la torture, évoquant les différentes facettes d'un christianisme qui risque à son tour d'être supplanté par le modernisme grandissant, bannissant toute religion. L'œuvre se termine sur une vision progressiste par la redécouverte de la nature et des éléments essentiels de la vie.
D'une toute autre facture, Cosmogonie, un solo très intériorisé de Gyohei Zaitsu, que le danseur va créer de abrupto, selon son état d'esprit du moment. Une œuvre viscérale très épurée mais non moins violente, dans laquelle on retrouve un des objets fétiches du chorégraphe, le masque anti-pollution dont la signification est désormais évidente, ainsi qu'une bouteille de plastique qu'il va malmener, pour ne pas dire torturer, durant toute la performance. Il ne faut pas oublier en effet que ces objets deviennent de véritables partenaires pour le danseur durant le spectacle, même s'ils n'étaient pas prévus comme tels dans les minutes qui préludent à la représentation. Chez Zaitsu, comme chez d'autres danseurs de butô d'ailleurs, les ambiances, les couleurs, les énergies naissent dans le moment sous l'influence de la musique, de ce qu'elle lui inspire, et de l'énergie communiquée par les spectateurs, adhésion elle aussi déterminante dans le succès de la représentation. Rien n'est ni prévu, ni inscrit ; les attitudes et mouvements naissent d'eux-mêmes, en toute évidence, avec le plus grand naturel, comme en réponse aux attentes des spectateurs. Et ce soir là, était-ce dû à la musique de Michel Titin-Schnaider, d'ailleurs très inspirée par Arvo Pärt, était-ce dû à la danse profondément instinctive de Gyohei Zaitsu ou à la combinaison de deux, toujours est-il que le public repartit sur un petit nuage, comblé.
J.M. Gourreau
Cosmogonie / G. Zaitsu
Ph. J.M. Gourreau
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.Recordare / Tina Bernard & Cosmogonie / Gyohei Zaitsu, Théâtre de verre, Paris, 17 mai 2015.
* 7 juin avec, entre autres, Maité Soler, Anais Lelièvre (Cloc)
Tina Besnard - Gyohei Zaitsu / Recordare - Cosmogonie / Théâtre de verre / Mai 2015
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