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Site dédié à l'art chorégraphique.
 
 
Dans ces pages se trouvent quelques textes critiques
et l'analyse de certains spectacles, récents ou plus anciens,
que Jean-Marie Gourreau, journaliste spécialisé
dans l'art de Terpsichore depuis plus de 35 ans
a souhaité faire partager à ses lecteurs
.
Ils sont parfois accompagnés de photos du spectacle analysé,
réalisées en répétition, voire parfois, au cours de l'une des
représentations
.
Dans un autre volet de ce site
sont analysés les derniers ouvrages ou évènements sur la danse.
  • Poeta en Nueva York / Blanca Li, Th. de Chaillot, Mai 2008

    Blanca Li :

     


     

    Hommage à Lorca

     

     

    Tous les atouts étaient réunis pour que le spectacle soit un succès : un argument de poids, en l’occurrence un instant de la vie du célèbre poète Federico Garcia Lorca ; une chorégraphie variée et de haut niveau, tant sur le plan technique qu’artistique, Blanca Li étant depuis longtemps passée maître en la matière ; une distribution à vous couper le souffle, la chorégraphe s’étant choisie pour partenaire Andrès Marin et ayant engagé pour la circonstance la célèbre cantatrice espagnole Carmen Linares ; une scénographie des plus originales et pleine d’effets (rideau d’eau), alliant par ailleurs toutes les techniques les plus récentes de la vidéo… Bref, on ne pouvait rêver mieux !

    Les saynètes dansées alternaient avec des passages chantés comme dans les meilleures comédies musicales américaines. Rien de plus normal au fond puisque l’histoire se déroulait à New York en 1929. L’originalité résidait également dans le fait que tous les styles chorégraphiques  se trouvaient confrontés, zapateado et danse flamenco bien sûr mais aussi rap et hip hop, interprétés par de fabuleux danseurs dont les performances, parfaitement intégrées au spectacle, laissaient le spectateur pantois. Un régal, tant pour l’œil que l’oreille. Le spectacle eut bien évidemment un succès retentissant, acclamé de longues minutes par des spectateurs en délire.

    Pour ma part, j’eus toutefois l’impression de rester sur ma faim jusqu’au moment où… Blanca Li et Andrés Marin se retrouvèrent seuls en scène, à la fin de l’œuvre. Leur duo enflammé, plein de ferveur et de passion, accentué par les effets de robe et de chevelure noir jais de la chorégraphe, fut le seul moment pathétique de la soirée. Les plus belles mises en scène ne rivaliseront jamais avec une réelle extériorisation des sentiments profonds de l’âme.

     

                                                                                                                                                                    J.M. Gourrreau

     

    Poeta en Nueva York / Blanca Li, Th. de Chaillot, Paris, Mai 2008.

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  • P.O.M.P.E.I. 2è fouille, Théâtre de la Bastille, Déc. 2008.

    Caterina Sagna :

     


     

    Un réalisme morbide

     

     

     

    L’homme et la femme sont-ils superposables, complémentaires, opposés ? Que sont-ils en fait l’un pour l’autre ? Une tentative de réponse nous est donnée par Caterina Sagna au travers d’un étrange spectacle, P.O.M.P.E.I., 2è fouille, une œuvre un tantinet surréaliste, dans un univers immaculé, blanc comme neige, au sein duquel l’ordre et la pureté qui règnent semblent tirés par des ficelles divines. L’œuvre débute par une danse folle, virile, effrénée, exécutée par trois hommes, trois sosies qui surgissent des entrailles d’un parachute affalé au sol. Une danse qui ne se terminera que par l’épuisement des protagonistes, révélant ainsi leurs faiblesses. Alors qu’ils se retirent en rampant comme des larves, apparaissent sur l’écran de toile au fond du plateau les images juxtaposées de  trois femmes, corps inorganiques bidimensionnels en noir et blanc, d’une sérénité étonnante. L’opposition est flagrante : si les hommes s’avèrent des sosies totalement interchangeables, les trois femmes au contraire, d’âges, de conditions et de statures différents, prêtresses de l’Olympe, imposent peu à peu leur loi par le verbe. Comme si leur force était issue de leur sagesse et de la puissance de leur propos. Comme si, gardiennes de la destinée humaine, elles seules étaient capables de lucidité, de l’aptitude à remettre l’égaré dans le droit chemin. Intouchables du haut de leur piédestal, remarquablement présentes, elles fascinent mais sont déstabilisantes, énigmatiques. L’univers qu’elles imposent est froid. Les êtres qui le hantent s’avèrent apparemment dépourvus de sentiment pour l’autre sexe. Aucune rencontre n’est possible, aucune relation amoureuse ne sourd. Les hommes sont nés avec des œillères et, lorsqu’ils s’en aperçoivent et les enlèvent, ils sont désorientés, perdus. Une scène qui, d’ailleurs, fait frissonner par son réalisme morbide. Leur destinée est aussi inéluctable que l’avancée des coulées de lave blanche qui envahissent petit à petit le plateau. Ils ne trouveront finalement leur salut qu’en fusionnant leurs corps, une image d’ailleurs fort belle qui clôt ce spectacle hors des sentiers battus qui, bien que donnant à réfléchir, doit être goûté en laissant aller à vau l’eau son subconscient, bercé par les accents envoûtants des trois stabat mater et des œuvres de Purcell, Crespo et Mainerio judicieusement choisies.

     

                                                                                                                                                                      J.M.Gourreau

     

    P.O.M.P.E.I. 2è fouille / C. Sagna, Théâtre de la Bastille, Paris, Déc. 2008.

     

     

     

     

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  • Slat / Maki Watanabe, Centre culturel irlandais, Paris, Novembre 2008.

    Maki Watanabe :

    Possession

      

    Le butô est un art qui se prête bien à la traduction des sentiments de l’âme humaine, particulièrement lorsqu’ils sont issus de la souffrance. Maki Watanabe est désormais passée maître dans l’expression de cet art qui exige un don de soi et un engagement total, jusqu’à son identification au personnage mis en scène.

    Slat est né de l’évocation par le psychanalyste Bruno Bettelheim de ces deux enfants indiens, Amala et Kamala, élevés par des loups et retrouvés par le Révérend Singh qui tenta de les ramener à la civilisation et de leur apprendre notre langage. D’autres exemples littéraires ont également inspiré Trevor Knight, le musicien concepteur de cette œuvre, en particulier L’énigme de Kaspar Hauser de Werner Herzog, Quad de Samuel Beckett et, surtout, le film L’enfant sauvage de François Truffaut. C’est la souffrance de ces enfants arrachés de l’univers dans lequel ils ont toujours vécu pour être brutalement contraints à vivre dans notre monde que les auteurs de cette œuvre musicale et chorégraphique poignante, Trevor Knight, Paul Keogan, Alice Maher, Gyohei Zaitsu et Maki Watanabe surtout, ont mis en scène et exprimé avec un réalisme et une force peu communs. Evoquer par le geste les attitudes et réactions de ces enfants évoluant à quatre pattes et incapables de s’intégrer à la société humaine est certes déjà un spectacle en soi mais l’art du butô permet d’exprimer avec une très grande force leurs sentiments, de mettre en scène leurs instincts qui, inévitablement,  ressurgissent et qu’ils ne peuvent maîtriser. C’était précisément là l’art de Maki Watanabe : à travers sa gestuelle mais, surtout, de l’expression de son visage émanait une douleur très vite insoutenable pour le spectateur, d’autant que le metteur en scène avait placé l’enfant qu’elle incarnait dans une sorte de fosse d’où elle ne pouvait s’échapper, les spectateurs-témoins étant disposés tout autour sur un promenoir situé à 4 mètres de hauteur… A quelques moments cependant, l’enfant sauvage parvenait à leur hauteur, tout près d’eux : c’était alors terrible de voir son visage crispé par la douleur, de devoir partager son désarroi, d’être les témoins impuissants de sa solitude, de son incompréhension, de son infortune, de son abandon, de cette sorte de folie qui le gagnait peu à peu. Quelques lueurs d’espoir toutefois au cours de ce spectacle, tel ce jeu de l’enfant avec l’eau, élément purificateur et rédempteur tout à la fois mais bien vite oublié par l’évocation obsédante de sa condition qui nous rendait coupables, nous empêchant de ressortir de la salle l’esprit serein.

                                                                                                                                                                     J.M. Gourreau

     

                                                                         Maki Watanabe dans Slat - Ph. J.M. Gourreau                                                                                      

    Slat / Maki Watanabe, Centre culturel irlandais, Paris, Novembre 2008.

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  • Good morning Mr. Gerschwin / Créteil, Octobre 2008.

     

                                                                                        Photo J.M. Gourreau

      Montalvo - Hervieu :

     

    Hommage à Gerschwin

     

    L’idée était bonne et leur seyait à merveille, l’œuvre de Gershwin se prêtant aussi bien à la comédie musicale qu’au ballet. Et l’on comprend aisément que José Montalvo et Dominique Hervieu, après s’être attaqués avec beaucoup de bonheur à Porgy and Bess en mai dernier, aient eu à nouveau envie d’explorer les sources d’inspiration de Georges Gershwin : New York et sa démesure, sa vie trépidante, ses rythmes syncopés, le jazz mais aussi la pauvreté et la ségrégation raciale… Mais qui trop embrasse mal étreint, dit le proverbe, et tenter de faire le tour des diverses facettes de cet attachant personnage en une soirée était une gageure : l’homogénéité de ce spectacle s’en est bien évidemment ressentie. Pourtant, tous les ingrédients étaient là pour que la sauce prenne : une bonne dose d’humour et de dérision, des rythmes fous, de prodigieux danseurs et, surtout, des images-vidéo aussi surréalistes que fantastiques… Mais si l’on peut peut-être leur reprocher  de prendre un peu trop d’importance par rapport à la chorégraphie, il faut bien reconnaître qu’elles fascinaient le public. Curieusement, Montalvo plaça son action… au fond de l’eau, des êtres mi-poisson, mi-sirène (ainsi qu’un éléphant !) évoluant autour d’un château de sable qui s’érodait sous l’action des courants mais se reconstruisait l’instant d’après. Quelle pouvait bien être la relation avec ces fabuleux hip-hoppeurs ou danseurs de claquettes qui faisaient leur numéro juste en dessous ? Peut-être aucune, si ce n’est un petit coup d’œil au surréalisme. C’est d’ailleurs en cela que les spectacles de Montalvo sont attachants. Son imagination, toujours débridée, surprend, amuse, aiguise la curiosité. Ce serait dommage de ne pas exploiter jusqu’au bout ce talent.

     

                                                                                                                                                                     J.M. Gourreau

     

    Good morning Mr. Gerschwin / Montalvo - Hervieu, Créteil, Octobre 2008.

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  • Rites / Stephen Page et Le lac des cygnes / Graeme Murphy, Théâtre du Chatelet, Sept. – Oct. 2008

                                                                           The Swan Lake. Photo Jim Mac Farlane


    The Australian Ballet :

     


     

     

    Une compagnie trop méconnue

     


     

     

    A la lecture du seul programme, le pire était à craindre. En effet, l’Australian Ballet, que l’on n’avait pas vu à Paris depuis 1965, présentait, dans son premier programme, une nouvelle version du  Sacre du printemps de Stravinsky, œuvre qui a inspiré plus d’une cinquantaine de chorégraphes, la plupart s’y étant cassé les dents ! Or son auteur, Stephen Page, l’élabora à partir d’une idée fort originale, celle de la créer avec deux compagnies en écho, l’Australian Ballet bien sûr mais aussi une troupe d’aborigènes, considérés il y a encore une vingtaine d’années comme des êtres totalement primitifs… Contrairement à nombre de ses prédécesseurs, le chorégraphe a cherché à exprimer non le rituel de la naissance à la mort mais les forces naturelles qui dessinent notre paysage, l’essence spirituelle des quatre éléments, le feu, le terre, l’air et l’eau.  Son étonnante chorégraphie, d’une très grande force, fit appel à un vocabulaire passant progressivement du primitivisme animal et instinctif à celui du classique dans toute sa pureté et sa complexité, voire même au langage contemporain. Ce que les membres du Bangarra Dance Theater apportèrent au chorégraphe, c’est une sorte de félinité inimitable, une réelle sincérité et, aussi, une très grande endurance. Car Stephen Page ne les a pas ménagés : cette œuvre, quasi sabbatique, est truffée de difficultés que l’on ne remarque pas toujours, envoûté par le très beau décor à transformation de Peter England qui plane au dessus des danseurs.

    Mais la surprise nous vint du deuxième programme avec Le lac des cygnes de Graeme Murphy. Une véritable relecture, d’une originalité aussi grande que la Giselle de Mats Ek à laquelle on pense d’ailleurs car, s’il s’agit bien d’une histoire d’amour trahi dans les hautes sphères de la société, elle ne se situe pas à l’époque romantique mais dans les années cinquante. Plus de féerie mais un drame psychologique qui contraindra la fragile Odette à être soignée dans un sanatorium pour oublier les frasques de son époux volage. La vision de petits cygnes semble calmer son chagrin mais la vue de sa rivale déclenchera en elle de véritables crises de folie d’un réalisme saisissant. Le mérite n’en revient pas tant au chorégraphe qui a su trouver une gestuelle très suggestive, qu’à l’interprète, Madeleine Eastoe, totalement envoûtée par son personnage et d’une technicité fabuleuse. Le moindre de ses gestes de désespoir blessait irrémédiablement le spectateur impuissant, mal à l’aise dans son fauteuil et attendant le dénouement avec anxiété, sa disparition dans les sombres profondeurs du lac aux cygnes. Une version qui restera à jamais gravée en lettres d’or dans l’histoire de ce ballet.

     

                                                                                                                                         J.M. Gourreau

     

    Rites / Stephen Page et Le lac des cygnes / Graeme Murphy, Théâtre du Chatelet, Sept. – Oct. 2008.

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